Place publique et saltimbanques, chapiteau et guirlandes de lumières outrageuses qui pourtant ne surexposent personne. Hormis la foule. Mais
la foule, ce n'est personne. Même pas tout le monde. C'est la
subjectivité du mouvement. Qu'ils semblent cons, tous, ou presque, à
attendre, je suis sure qu'ils ne savent même pas pourquoi ils sont là. J'allume
une cigarette, à la différence de cette masse je n'attends pas, je ne
suis pas là pour attendre mais pour les observer. Comme dans un
laboratoire, ce sont des cobayes, mon regard les analyse et les
détaille, les déshabille et les met à plat d'un seul coup d'oeil.
A
eux tous ils organisent une espèce de chorégraphie morne et sans vie.
Ils sont des corps, mais leur âme n'a jamais du apparaitre, ou alors
elle a prit peur et s'est enfuie devant le vide qui remplissait leur
corps. Leur regard est aussi vide que leur esprit, ils déambulent ou
font du sur place, ce qui ne change absolument rien puisqu'ils ne s'en
rendent pas compte.
Au bout du couloir, l'entrée. Et sous le chapiteau, la chaleur, et la foule s'est effacée pour laisser place au spectacle. Silence, je vous demande de vous taire et de disparaitre, ou tout du moins d'en donner une illusion parfaite. Théâtre
de la vie, la réalité est sur cette foutue scène. Les masques,
lorsqu'ils tombent, en découvrent d'autres. Maquillage et costumes,
attitudes et jeu. Les coulisses, ils ne les voient pas, mais elles
sont si visibles que cela en devient indécent. Pourtant, les murs et
les tentures sont noirs, les toiles tendues au dessus de ma tête sont
rouges mais la lumière cache cette couleur.
C'est un théâtre sans
rideau, sans souffleur, des acrobaties sans filet et une pièce sans
entracte. La fille peut tomber, et le comédien oublier son texte, le
spectacle continue.
Les lumières s'éteignent, fin de la réalité et
retour dans l'inconscient de l'irréalité. Je vous invite tous à nous
rejoindre au bar, c'est par là. Tous, c'est la masse inerte qui se ruent vers le comptoir verni en préfabriqué et les verres de vin à 2 euros.
Je
m'éloigne à reculons, j'emmène la comédienne avec moi, celle qui est
presque rousse et qui avait la robe rouge en velours il y a quelques
instants. Je m'éloigne à reculons, est-ce par regret, par peur, ou pour
mieux profiter de leur bêtise une dernière fois encore ?